Troisième dynastie, sixième centenaire, vingt-cinquième année, onzième mois, dix-huitième jour :Deux heures du matin était indiqué sur l’affichage du radio/réveil posé sur une table de chevet en bois, abimée, usée, rongée par l’humidité. Ce même meuble se trouvait prêt d’un lit, à une place, recouvert de draps épais pour protéger la personne qui y était couchée de la fraicheur qui régnait dans cette pièce, se situant quelque part dans les égouts, sous la Ville Royale…
Phage sommeillait là, repliée sur elle-même, tenant fermement ses genoux et tremblant de tout son long. Avait-elle froid ?...Non, évidemment que non, depuis le temps qu’elle vivait en ces lieux, son corps c’était habitué à cette fraicheur glaciale, et de toute manière, recouverte comme elle l’était, cela ne pouvait être possible…
Alors pourquoi tremblait-elle ?...de peur ?...c’est une hypothèse comme les autres…mais de quoi avait-elle peur ?...des ténèbres de la nuit ?...dans ce cas elle ne pouvait dormir alors ?...
Pourtant si : Phage dormait bien, d’un sommeil profond, que même les cris bruyants des rats qui résonnaient de parts et d’autres des égouts ne parvenaient à troubler.
Effectivement, elle frémissait de peur, mais cet effroi venait tout droit de ses songes les plus profonds : elle cauchemardait…
---------- ° ¤ - Cauchemar : passé douloureux - ¤ °----------
*Sombre…il fait si sombre…mais où-suis-je ?...où…*‘‘…dans les méandres de ton esprit.’’, résonna une voix, venant de nul part, comme s’il la personne à laquelle elle appartenait avait lu dans les pensées de Phage…
Celle-ci se trouvait seule, dans un espace où les ténèbres régnaient et où chaque son était amplifié et retentissait en écho. La jeune fille ne pouvait bouger et une angoisse profonde commençait à s’emparer d’elle.
‘‘Qui…q…q…qui…qui êtes vous ?!’’, demanda-t-elle avec difficulté, anxieuse de la réponse.
La voix se fit entendre à nouveau, suivit de nombreuses résonances :
‘‘Ton père…’’Surprise de la réponse et ne sachant que penser, Phage continua son interrogatoire, tout en balbutiant :
‘‘T…t…Tork ?’’‘‘Non.’’, répondit la voix.
‘‘Mais qui alors ?!’’, s’exclama la demoiselle.
‘‘Tu ne te souviens pas de moi ?...moi qui ne t’ai jamais accepté, moi qui t’ai toujours repoussé, moi qui t’ai abandonné avec ta pauvre mère !’’A l’écoute de ces paroles, des larmes ruisselèrent sur le visage de Phage, puis une expression de colère s’y fit apercevoir. Le nez retroussé, le regard amplis de haine, montrant les dents, elle ordonna à cet homme de se montrer afin de lui faire payer le mal qu’il lui avait fait subir, à elle comme à sa mère. Sa demande s’exauça, et une lumière blanchâtre apparu devant elle. Peu à peu, la lueur prenait la carrure d’un homme, puis plusieurs couleurs s’y mélangèrent pour enfin former un soldat, de grande taille et de faible corpulence, au visage blafard, sur lequel on distinguait un sourire narquois.
‘‘Tu es devenu une très belle femme Phage…’’, la complimenta Carnage.
‘‘Tais-toi !’’, rugit sa fille.
‘‘Je n'veux pas de tes gentillesses ! Garde-les pour toi !...En attendant, je vais te faire payer le mal que tu nous à fait à toute les deux ! Je vais nous venger, mère !’’Alors qu’elle s’apprêtait à sortir son grand katana, Phage fût stoppée par une douleur soudaine, provenant de son cœur. Lentement et difficilement, elle baissa la tête et vit une blessure au niveau de celui-ci, ayant transpercée tout son être. Son sang coulait en abondance, ruisselant le long de tout son corps, pour finalement former une flaque rougeâtre sur le sol. Au simple regard de celui-ci, la vue de la révolutionnaire commença à se troubler : son propre sang l’insupportait. Elle eut juste le temps de relever les yeux afin de voir son père, le bras droit levé, tenant fermement une arme à laser venant des armées royalistes, le doigt appuyé sur la gâchette. Il lui avait tiré dessus et porté un coup fatal…
Phage s’écroula, dans une marre de sang, celui qui avait quitté tout son corps par l’orifice de la blessure. Avant de fermer définitivement les yeux, elle cru entendre une dernière fois cette voix sinistre qu’était celle de son paternel :
‘‘Tu es impuissante face à moi ma petite Phage.’’, ricana Carnage.
‘‘Ta haine est trop faible ou quoi ??...Tu manques d’entraînement, tu es si inconsciente...Adieu ! Mouhahahahahahaha !’’Et l’homme repartit comme il était venu, dans une lumière étrange, qui disparut ensuite...
---------- ° ¤ - Fin du Cauchemar - ¤ °----------
Subitement, Phage se retrouva assis sur son lit, après avoir poussé un cri d’horreur. Elle pleurait et des sueurs froides la traversaient de part en part. Tork était là, regardant avec stupeur sa fille adoptive :
‘‘Ma chérie, ne crains rien. Tu as encore fais un mauvais rêve, tout va bien, je suis là d’accord ?’’La demoiselle fixa alors son père, avec un regard d’incompréhension, où l’on y distinguait encore de la colère.
‘‘Père…’’, commença-t-elle.
‘‘Oui ?’’, demanda Tork.
‘‘Père…je te tuerais pour le mal que tu nous a fais !’’, hurla Phage en larmes, son cri résonnant dans chaque recoin des égouts, faisant fuir les rats se trouvant de la pièce dans les longs canaux qui constituait les raccords entre les salles.
Tork fût tout d’abord très surpris, mais compris ensuite de qui il s’agissait vraiment, de Cranage. Il connaissait en Phage cette soif de vengeance cruciale dont il voulait faire sa force, mais au fond, il savait qu’un être ayant un tel but dépérissait au fur et à mesure des années, soufrant d’un manque de pouvoir, ou bien, s’il parvenait à l’accomplir, il laissait sa vie sans but précis, sans raison de vivre, se laissait mourir en quelque sorte…
Tork s’était trop attaché à sa fille pour la voir décéder pour un tel état d’âme, et chercha à la réconforter et lui faire oublier son but présent, plutôt que l’inverse.
‘‘Je t’ai déjà dit mille fois que tu devais oublier cette vengeance. Elle te détruira, et quand bien même tu l’auras accomplie, il ne te restera plus aucune raison de vivre…’’Il posa alors sa main sur celles de la demoiselle :
‘‘Crois moi…renonces-y.’’Phage, toujours sous l’emprise de la colère, repoussa la main chaleureuse de son père adoptif et se leva d’un bond. Etant toujours en sous vêtements, elle s’exhibait donc à demi nue devant Tork, au regard pervers, bouche bée par la magnificence du corps sa fille. Elle lui fit dos et s’habilla rapidement, prit ses armes, puis emprunta l’un des tunnels qui faisaient guise de sorties. Elle partit avec rage se changer les idées dans ces égouts qu’elle connaissait si bien.
Nocturne, son rat, qui durant tout ce temps était resté sur le bout de son lit, se leva précipitamment, bondissant sur sa maitresse et s’agrippant à elle jusqu’à atteindre son épaule droite, où il s’y assit, enroulant sa queue autour de la gorge de la femme pour se maintenir en place...